Proposition pour assurer la survie et la continuité d’une production laitière durable

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Publié le 14 Juin 2009
Rédigé par 
meyerhe

crise_laitiere.jpgThérèse Snoy

Georges Gilkinet

Groupe Ecolo-Groen !

Le 28 mai 2009

Développements :

La situation des producteurs de lait européens ne cesse de se dégrader. Les prix moyens auxquels les laiteries leur achètent le lait ne cessent de baisser.

 

En Belgique, ces prix figurent parmi les plus bas d’Europe. Ils sont en ce mois de mai 2009 de l’ordre de 18,5 / 19 € cts le litre (prix de base). En comptant l’Aide Directe Laitière (environ 3,5 cents le litre depuis 2006 pour les détenteurs d´un quota au 31 mars de la même année), cela équivaut à un revenu pour les agriculteurs de 22 / 22,5 € cts le litre. Or, les coûts de production de la plupart des exploitations varient entre 25 et 40 € cts, la moyenne se situant à environ 33 € cts le litre. L’immense majorité des producteurs laitiers belges travaillent donc à perte, ce qui n’est pas acceptable. Les agriculteurs sont de plus en plus mal payés pour leur travail, sans pour autant que le prix réclamé aux consommateurs pour l’achat des produits laitiers dans les magasins n’évoluent de façon significative à la baisse et sans grande attention non plus pour une qualité différenciée de ce qui est produit.

À de telles conditions de marchés, il ne fait aucun doute que de nombreux producteurs devront arrêter la production laitière avant cette fin d’année. Des milliers d’emploi directs et indirects risquent d’être perdus. En Région wallonne, les estimations les plus optimistes pour le secteur prévoient une réduction de 10 à 15 % du nombre de producteurs laitiers au cours de l’arrière saison. En raison d’une offre excédentaire, favorisée par la hausse, des quotas laitiers, d’une stagnation de la demande européenne, et de stocks privés importants, et sans réaction politique vigoureuse, les prix en Belgique devraient continuer à avoisiner les 18,5 € cts le litre d’ici à la fin de l’année 2009. Et la situation dans les autres pays d’Europe n’est pas meilleure, avec des prix oscillant entre 20 et 25 centimes d’euro le litre.

Alors que la première augmentation de 1 % des quotas laitiers résultant de l’accord sur la mise en œuvre du bilan de santé de la PAC a pris effet le 1er avril, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander à l’UE de répondre à la situation critique à laquelle sont confrontés de nombreux producteurs malmenés par la baisse des prix du lait. L’atterrissage en douceur prévu par Mariann Fischer Boel pour préparer la fin du régime des quotas laitiers programmée en 2015 est en train de se transformer en un véritable « crash » écologique, social et économique dans plusieurs Etats membres.

On risque d’aller vers la concentration de la production laitière dans certaines régions et d’en voir d’autres devenir des « déserts laitiers ». Cela poserait problème notamment au niveau de l’équilibre nutritionnel des vaches, de la gestion des effluents, de l’utilisation de la paille, mais aussi de la préservation de la biodiversité dans les régions qui verraient disparaître la production laitière.

S’il peut apparaître logique qu’un producteur laitier souhaite augmenter toujours et encore la productivité de son exploitation, augmenter sans fin le nombre de litres de lait par vache est une solution qui peut se révéler défavorable au bien-être animal, et qui va à l’encontre de l’intérêt environnemental de l’élevage extensif, par ailleurs soutenu par des mesures européennes.

Par contre un élevage en prairie, nourri des ressources de l’exploitation, est plus économe en coûts de production et plus autonome par rapport à la variation des prix des intrants. C’est un modèle économique et écologique qui mérite d’être mieux soutenu.

La spécialisation géographique entraîne des désavantages évidents.

L’importation des protéagineux pour nourrir le bétail, notamment du soja transgénique produit aux Etats-Unis, sans barrière tarifaire en Europe pose aussi question.

Ces importations, dont les coûts sont très variables et très fluctuants sur les marchés mondiaux, rendent les producteurs et les exploitations dépendants de la volatilité des prix au niveau mondial. D’un point de vue environnemental, ces échanges commerciaux déséquilibrent le cycle de l’azote et sont émetteurs de CO2.

 

Bref, les conséquences sociales et environnementales de la situation actuelle sont franchement négatives et vont à l’encontre des objectifs de développement durable pourtant aujourd’hui facialement assumés par l’immense majorité des acteurs politiques en Belgique comme dans l’Union européenne.

Du côté des consommateurs, on a par ailleurs observé une diminution de la consommation du lait non transformé (moins 15 %). C’est une des raisons supplémentaires pour laquelle l’offre excède la demande.

Au niveau européen, la hausse des quotas et la pression à l’augmentation de la production qui en est la conséquence (sans pourtant atteindre, chez nous, le niveau proposé), conjuguées à cette baisse de la demande, entraîne la transformation du lait en produits dérivés, comme le lait en poudre, et la mise sur le marché des exportations.

« Etant donné que les prix des produits laitiers ont enregistré un déclin prononcé en 2008, particulièrement au cours du quatrième trimestre, il est inévitable que le prix du lait payé au producteur subira une baisse substantielle en 2009 », estime la Commission dans ses prévisions sur les marchés agricoles pour la période 2008/2015. Et la Commission s’attend aussi à des prix déprimés en 2010.

La forte augmentation de la production de poudre de lait entier en 2008 (+ 11 %), accompagnée par un environnement porteur sur le marché mondial, a permis à l’UE d’exporter 463.000 tonnes (+ 27 %). Les perspectives de l’exportation pour 2009 sont encore relativement favorables, la production baisserait de seulement 1,2 %, tandis que les exportations augmenteraient de 1,9 % grâce au soutien des restitutions.

C’est la contradiction notoire de la PAC, le fait de payer des restitutions à l’exportation, qu’on a pourtant décidé de supprimer en 2013, au nom de la même volonté de libéraliser le marché.

« Les restitutions resteront nécessaires pour équilibrer le marché du lait entier en poudre en 2010 », précise la Commission, tout en regrettant que la faible demande mondiale et la concurrence des autres pays fournisseurs, limitent le potentiel d’exportation de l’Union.

La commissaire à l’agriculture a confirmé que les achats publics de beurre et de poudre de lait écrémé seraient poursuivis en 2009 au delà des plafonds fixés, via des systèmes d’adjudication. Une telle procédure est déjà en cours pour le beurre, le plafond de 30.000 tonnes de beurre d’achat de beurre ayant été atteint le 4 mars et celui de 109.000 tonnes pour la poudre de lait devrait l’être fin mars, selon le ministère français de l’agriculture. Début mars, 43 000 tonnes de lait en poudre ont été acceptées à l’intervention.

Or ces restitutions à l’exportation ne profitent pas aux producteurs d’ici car elles sont versées aux laiteries ou aux firmes de transformation qui mettent leurs produits sur les marchés d’exportation. Or ces opérateurs ne rémunèrent pas mieux pour autant les p roducteurs, ce qui reste incompréhensible et choquant.

De plus ces produits exportés concurrencent les marchés des pays du Sud, menaçant la rentabilité de leur agriculture paysanne.

Face à la pression des producteurs de lait, la Commission européenne a décidé d’anticiper le versement des aides directes aux agriculteurs. Cette mesure a été annoncée par Mariann Fischer Boel, la commissaire européenne à l’agriculture, le 25 mai à Bruxelles où étaient réunis les ministres de l’Agriculture de l’UE. Mme Fischer Boel, la commissaire à l’Agriculture, a indiqué aux Vingt-sept que le paiement des aides directes pourra être avancé pour tous les agriculteurs à concurrence de 70 % au 16 octobre au lieu de début décembremais pas question d’accepter la baisse de 5 % des quotas demandée par les producteurs.

Outre l’avance des aides directes, la Commission va donner un petit coup de pouce au secteur laitier en prolongeant au-delà de la fin août les aides au stockage privé et éventuellement de l’intervention publique dans le secteur du beurre. Ces deux mesures combinées ont permis le retrait du marché depuis le début de l’année de 160 000 tonnes. Malgré les mesures de soutien déjà prises, « les niveaux des prix ne sont toujours pas satisfaisants », a reconnu Mme Fischer Boel mais, selon elle, on assiste à une stabilisation des prix des produits laitiers depuis avril. La commissaire européenne n’est pas prête, en revanche, à réactiver le régime de ventes à bas prix de lait écrémé en poudre destiné à l’alimentation des animaux comme l’avaient demandé la France et l’Allemagne.

Sur base de ces faits et de cette analyse, la nécessité d’une gestion de l’offre européenne apparaît évidente et urgente

La situation catastrophique à laquelle sont confrontés les éleveurs ne peut s’éterniser sans casse. Les mesures prises jusqu’à ce jour vont toujours dans le sens d’une croissance de la production, sans résoudre le problème du déficit au niveau des producteurs, et en misant sur l’exportation sans se soucier de ses conséquences perverses.

 

Selon les auteurs de cette résolution, la production du lait et des produits laitiers doit être source de revenus rémunérateurs pour ces producteurs, y compris et en particulier pour les petits et moyens exploitants pratiquant un modèle d’agriculture paysanne, caractérisé par un mode d’élevage en prairie, donc lié au sol en amont et en aval..

 

La Commissaire européenne ne peut rester sur sa position, élaborée fin 2007 (augmentation des quotas et abolition du régime des quotas en 2015). En 2009, la crise financière et alimentaire a sonné le glas à la croissance infinie… Il est devenu très urgent de réorienter la PAC et le régime de quotas dans un objectif de souveraineté alimentaire et de maintien d’une production laitière de qualité, respectueuse du travail paysan et de l’environnement.

 

Au niveau fédéral, il s’agit que le gouvernement utilise les leviers dont il dispose pour éviter une augmentation des prix du lait à la consommation et des bénéfices déraisonnables des intermédiaires.

La loi du 22 janvier 1945 de régulation économique et des prix prévoit déjà des mécanismes permettant de maîtriser les prix. Le Ministre de l’Economie dispose de divers instruments permettant d’intervenir dans la fixation du prix de produits et de services à travers la conclusion de contrats de programme, la fixation de prix et de marges maximums ou les procédures de demande d’augmentations de prix et la notification des augmentations de prix. Aujourd’hui, le contrôle des prix est encore en application dans 8 secteurs pour lesquels la concurrence ne peut pas fonctionner de manière optimale ou parce qu’ils se caractérisent par une dimension nettement sociale.

Les produits alimentaires ont été exclus de cette loi, mais nous demandons qu’ils y soient réintégrés, en particulier les aliments de base comme le lait.

Une proposition de loi a été introduite en décembre 2007 par M. Vanvelthoven, Mmes Gerkens, Snoy et Lalieux, et M. Wouter De Vriendt pour demander un contrôle accru du prix des biens des produits de base.

 

De plus il peut soutenir les exploitants laitiers par une diminution des coûts de contrôle de l’AFSCA, par un assouplissement des obligations d’équipement tout en maintenant les exigences de résultats, pour les circuits courts de commercialisation.

 

Enfin, il doit jouer un rôle plus actif de concertation entre les Régions de façon à ce que la Belgique puisse avoir une position unifiée et la défendre au niveau européen.

 

La Chambre des représentants,

 

Considérant le risque de disparition de nombreuses exploitations laitières en Belgique suite à la baisse des prix du lait, et ses conséquences sociales et environnementales négatives ;

 

Considérant les effets pervers induits par la hausse des quotas laitiers imposée par la Commission, qui poussent certains à la recherche de la productivité à tout prix, qui provoquent une surproduction et des exportations qu’il faut dès lors subsidier alors que nos exploitations sont en déficit ;

 

Considérant les risques de conséquences néfastes de ces exportations massives, tant en matière environnementale que pour la rentabilité des productions paysannes des pays du sud ;

 

Considérant l’importance de maintenir des outils de régulation de l’offre au niveau européen, pour la stabilité des prix ;

 

Considérant la priorité à donner au soutien des modes de production durables, en vue d’une réorientation progressive de notre modèle agricole ;

 

Considérant la fluctuation de la demande de lait par le consommateur

 

Considérant qu’un des premiers objectifs, de la Politique agricole commune, est de préserver les écosystèmes ruraux ;

 

 

demande au gouvernement de défendre les positions suivantes au niveau du Conseil européen :

 

  1. La suppression du principe de l’augmentation des quotas de 1% par an

 

  1. Le maintien les outils de gestion de l’offre, via une remise en question de la décision de 2003 d’abandonner les quotas en 2015 de façon à ajuster la production à la demande effective ;

 

  1. L’ouverture d’un débat sur les modalités de cette limitation de production, de façon à ce qu’elle prenne en compte les spécificités des petits et moyens producteurs et contribue à une agriculture durable et de qualité ;

 

  1. L’objectif d’assurer un revenu suffisant à tous les producteurs de lait grâce à une meilleure répartition des quotas, et la fixation d’un prix minimum et rémunérateur d’achat par les laiteries ;

 

  1. La suppression des restitutions à l’exportation, et la maîtrise des exportations en rapport avec les exigences de développement de l’agriculture paysanne dans les pays en développement ;

 

La renégociation des barrières tarifaires pour l’importation des protéagineux de façon à favoriser une production et consommation régionale en Europe

 

  1. La modulation des aides ou de plus larges possibilités d’aides  « re-couplées » à la production, de façon à favoriser la production laitière à base de fourrages locaux et de pâturages permanents et valoriser les modes de production plus autonomes ;

 

  1. Dans la perspective de 2013, le développement d’une nouvelle politique laitière dans une PAC où prévaut l’objectif de souveraineté alimentaire, indispensable pour répondre aux défis de la crise systémique actuelle

 

  1. L’interdiction de toute forme de spéculation financière sur les produits agricoles.

 

Demande au gouvernement d’agir au niveau fédéral :

 

  1. En régulant les prix à la consommation sur base des analyses de l’Observatoire des prix et de la Loi du 22 janvier 1945 sur le contrôle des prix des biens de base, de façon à éviter des marges bénéficiaires excessives pour les intermédiaires, tout en maintenant le dialogue avec ceux-ci

 

  1. En diminuant les coûts des contrôles de l’AFSCA (rétributions) pour les exploitations où il y a transformation à la ferme de produits laitiers ;

 

  1. En procédant à un audit du fonctionnement de l’AFSCA, en concertation étroite avec ses usagers, de façon à en améliorer le fonctionnement et notamment de prévoir des normes adaptées pour les plus petits producteurs, mais aussi pour les petits abattoirs et pour la transformation artisanale des produits laitiers ;

 

  1. En jouant son rôle de coordination des acteurs politiques régionaux, afin de développer dans les réunions internationales des positions solidaires et concertées, dans le sens d’une défense de notre modèle agricole ;

 

  1. En favorisant, notamment sur le plan fiscal, la réinstallation d’une industrie de transformation des produits agricoles localisée à proximité des lieux de production laitière.