Lettre de Sarah Turine et Jean-Michel Javaux
Il y aura bientôt sept mois que les citoyens belges ont voté, et un peu moins de six mois que, en discutant avec cinq autres partis, Ecolo et Groen! ont accepté de prendre leurs responsabilités pour élaborer une réforme de l’Etat. Il est en effet essentiel de pouvoir lever l’épée de Damoclès qui paralyse l’Etat fédéral depuis 2007 et l’empêche de mener à bien des politiques ambitieuses en matière sociale, économique, environnementale. Il est plus que temps de répondre aux défis de notre temps, qu’il s’agisse de la transition de notre économie, du dérèglement climatique ou de l’avenir de notre modèle social et des pensions, notamment.
Après plusieurs phases qui se sont succédées depuis le 13 juin et autant d’échecs, après une série de rencontres bilatérales et sur base d’une méthode sérieuse et d’un travail approfondi, le conciliateur Johan Vande Lanotte avait remis mardi dernier aux partenaires associés aux discussions institutionnelles un projet de note sur la réforme de l’Etat, intégrant notamment des transferts importants de compétences, une réforme de la loi de financement ainsi qu’une série de propositions relatives à BHV, à la Région de Bruxelles-capitale et au renouveau politique.
Pour Ecolo , Johan Vande Lanotte a fait au cours de sa mission et dans son projet de note un travail important afin de trouver une base de discussion acceptable par chaque parti issu de chaque communauté. Cette note contenait une série de propositions portées par Ecolo et Groen!, mais aussi une série de propositions beaucoup plus difficiles pour nous. C’est la règle de la démocratie. Des efforts ont ainsi été faits pour rencontrer des demandes faites par les uns et les autres. Une série de balises ont aussi été posées pour apaiser les craintes des uns et des autres. Une série d’éléments devaient naturellement être discutés et améliorés par la négociation.
En particulier, nous avons relevé, pour ce qui concerne la loi de financement, que plusieurs dimensions devaient également être clarifiées ou intégrées et, surtout, que l’ensemble devait faire l’objet d’une simulation univoque, comme convenu unanimement par les partenaires en août dernier. Le conciliateur avait du reste précisé que ce projet de note n’était pas définitif et qu’il n’était pas à prendre ou à laisser.
Dans ce contexte, nous avons estimé que le projet déposé par le conciliateur constituait un point de départ permettant de reprendre les négociations entre les 7 partenaires. Ecolo a donc marqué son accord pour reprendre les discussions institutionnelles sur cette base. Groen!, le SP.a, le CDH et le PS ont exprimé une position semblable.
Dans la marche vers un compromis, des pas énormes ont été faits par les partis qui ont accepté de considérer ce projet de note comme un point de départ de la discussion, tant au nord qu’au sud du pays. Compte tenu de ces enjeux, de l’attente des citoyens mais également des menaces financières qui pèsent sur la Belgique, il n’y avait pas à tergiverser.
Malgré 5 feux verts pour entamer la négociation, nous sommes aujourd’hui de nouveau dans l’impasse politique à cause des refus du CD&V et de la NVA. Ces partis ont préféré jouer à la roulette russe avec notre avenir à tous à des fins de surenchère ou de positionnement partisan voire électoral, plutôt que de prendre leurs responsabilités en vue d’un compromis.
Face à ce nouveau blocage, le sentiment général au sein de la population est au ras-le-bol, ce que nous partageons largement tant la situation de blocage devient révoltante. Penser comme le CD&V et la NVA qu’un parti peut imposer ses positions avant de discuter en demandant un aménagement préalable et unilatéral, c’est le contraire d’une négociation, cela s’appelle du passage en force. Affirmer, comme le CD&V, que l’on veut d’un accord tout en niant l’existence de Bruxelles comme Région à part entière est tout aussi inacceptable pour nous et pour Groen!.
Il faudra envisager la suite des événements politiques dans les prochaines heures et les prochains jours de manière sereine et déterminée. Mais la proposition de démission du conciliateur – actuellement tenue en réserve par le chef de l’Etat – doit être comprise dans toute sa mesure. Sans volonté d’un accord, aucun accord n’est possible. Sans capacité à rechercher un compromis et à faire des pas réciproques, aucun accord n’est possible. Peu importe qui sera autour de la table. Chacun doit également garder en tête que les citoyens attendent des politiques qu’ils trouvent des solutions et non qu’ils ajoutent des problèmes aux problèmes.
En tout état de cause, s’il devait se confirmer que certains choisissent définitivement le chaos, il faudra alors examiner la possibilité de demander directement à la population si elle souhaite réellement, comme les nationalistes risquent de nous y conduire, l’éclatement et la séparation de la Belgique.
Les Ecologistes resteront déterminés et constructifs afin de sortir de l’impasse et de trouver des solutions durables pour tous les citoyens.
Sarah Turine et Jean-Michel Javaux,
Co-présidents d’ Ecolo .