Vers un vrai réseau de mobilité pour l’arrondissement de Verviers
Monika Dethier-Neumann, Députée régionale
Yves Reinkin, Député communautaire
Mathieu Daele, co-président d’EcoloJ verviers
Le 29 janvier 2009, les jeunes écolos de l’arrondissement de Verviers présentaient les conclusions de leur enquête sur la mobilité baptisée « Ma ligne idéale » et formulaient de nombreuses propositions d’améliorations des réseaux de bus et de train, ainsi que de nouvelles formes de mobilité alternative.
Ces propositions semblent inspirer certaines communes comme Malmedy qui lance un projet de bus communal et Verviers avec la proposition d’un « tram-train » par son Bourgmestre. Nous nous réjouissons d’avoir pu initier ces réflexions au sein de notre arrondissement et de voir des décideurs communaux nous rejoindre dans notre volonté de dynamiser les transports en commun.
Cette sortie du Bourgmestre de Verviers sur la création d’une liaison ferroviaire améliorée entre Spa et Welkenraedt est un pas dans la bonne direction. Mais nous lui proposons d’aller encore un pas plus loin : soyons ambitieux car Verviers mérite un réseau attractif de transports en commun régionaux, avec des départs fréquents, une ponctualité fiable, de nouvelles liaisons directes et un charroi moderne !
1. Quelle est la demande ?
Pour concevoir une politique cohérente en matière de mobilité, il est indispensable de partir des besoins de la population. « Ma ligne idéale » a révélé une réelle demande d’une offre de transports en commun avec de meilleures fréquences, mais également plus diversifiée.
Exemple A
Voici les possibilités qui s’offrent à un élève habitant à Olne et se rendant à l’école à Saint-Roch Theux, début des cours à 8h30 :
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Se lever extrêmement tôt, ou arriver en retard… Voilà le choix qui lui est proposé à l’heure actuelle. Et cela pour un parcours de 15 km en empruntant la route de la vallée longeant le chemin de fer.
Quelle solution apporterait une ligne Spa-Welkenraedt améliorée à cet élève sans inclure l’axe Liège-Verviers dans ce projet, avec une possibilité de relier Olne à Nessonveaux au moyen d’un bus TEC ?
Exemple B
Un travailleur habitant Baelen et travaillant au zoning des Plénesses ne possède qu’une seule et unique possibilité : prendre le bus 625 à 6h51 jusqu’à Verviers-Central pour ensuite prendre la desserte du zoning et arriver à 7h30. Pour autant que ses horaires de travail correspondent à ceux du TEC…
Ici encore, pas de connexion directe de Baelen avec le réseau ferroviaire qui pourrait ouvrir un arrêt à proximité. Une liaison forte de ce réseau avec le zoning des Plénesses, pourtant un pôle de développement économique important, n’est toujours pas à l’ordre du jour.
Ces deux situations illustrent bien l’incapacité de nombreuses personnes à trouver une alternative crédible aux déplacements en voiture dans l’offre de transports en commun à l’heure actuelle. Et Pourtant, Olne et Baelen se trouvent à 3 kilomètres des lignes de chemin de fer existantes !
Propositions
La réalisation d’un réseau ferroviaire incluant l’ensemble des lignes régionales existantes (vers Spa, Welkenradt, mais également vers Liège, Eupen ou encore Malmedy) avec des points d’arrêts plus nombreux, de meilleures fréquences, un confort accru et accessible aux personnes à mobilité réduite ne serait pas un luxe, mais une nécessité !
Mais peut-on envisager un réseau ferroviaire fort sans se soucier des ses connexions avec les bus ? Pour pouvoir bénéficier d’une efficacité maximale, le réseau des TEC doit être réétudié afin de fournir aux villes et villages et zonings avoisinants une desserte aux points d’arrêts existants et nouvellement créés. Par la création d’un réseau TEC en étoile autour des liaisons ferroviaires, tous les habitants de notre arrondissement auraient accès à des transports en communs efficaces et rapides.
Ces propositions, nous y faisions référence dès 2006 lors d’une visite à Aix-la-Chapelle : s’inspirer largement de l’expérience de l’euregiobahn pour développer un réseau ferroviaire reliant Verviers à sa périphérie et aux agglomérations voisines. Il existe en effet à nos portes des initiatives réussies que nous pouvons prendre en exemple.
Depuis décembre 2002, l’euregioAIXpress relie les villes d’Aix-la-Chapelle et de Liège – via Welkenraedt, Verviers, Pepinster et Angleur. Les correspondances vers Heerlen, Eschweiler-Weisweiler et Stolberg, Mönchengladbach, Düsseldorf, Duisbourg, Düren, Cologne et Francfort sont assurées au départ d’Aix-la-Chapelle. Les correspondances vers Tongres, Hasselt, Bruxelles, Ostende, Maastricht, Namur et Luxembourg peuvent être engagées au départ de Liège.
Dans leur ensemble, les horaires et tarifs sont très opaques et compliqués, et les correspondances sont à améliorer (pensons aux correspondances ratées à Pepinster vers Spa).
Les voitures circulant entre Aix-la-Chapelle et Liège ne répondent pas aux standards de modernité et de confort et ne circulent qu’au rythme de deux heures, ce qui est très défavorable pour les navetteurs.
L’importance de cette liaison est d’autant plus grande qu’elle en constitue l’unique lien ferroviaire.
2. Quel matériel employer ?
Définissons d’abord bien les choses.
Le tram-train est un véhicule dérivé du tramway, apte à circuler à la fois sur des voies de tramway en centre-ville et sur le réseau ferroviaire régional, afin de relier sans rupture de charges des stations situées dans le périurbain, voire au-delà.
Par extension, le terme de tram-train désigne aussi le système de transport en commun utilisant ce type de véhicule en interconnectant réseaux de tramway et ferroviaire régional.
Karlsruhe: succès, crises et faiblesses
Dans le monde entier, le nom de » Karlsruhe » est aujourd’hui synonyme de succès en matière de transport public. Pourtant le système de Karlsruhe dispose d’un certain nombre de caractéristiques qu’il serait difficile de trouver ou de transposer ailleurs.
La solution trouvée à Karlsruhe pour l’accessibilité des voyageurs (circulation de tram-trains à plancher haut ou moyen sur un réseau tramway prévu pour le plancher bas) serait un exemple en défaveur de l’idée de tram-train pour toutes les villes qui ont fait de l’accès aux personnes à mobilité réduite une priorité en matière de politique de transport, comme c’est souvent le cas, par exemple, en France. La garantie de l’accessibilité intégrale pour l’ensemble des usagers sur l’ensemble d’un réseau représente un argument fort qui doit prévaloir dans la réalisation de projets tram-train. Karlsruhe est certainement un bon exemple de ville pour laquelle la distance entre la gare centrale et le centre ville est importante. Ceci augmente naturellement l’attractivité d’une liaison de transport public directe entre la périphérie et le centre ville. Avec un réseau très marqué régionalement, comprenant plusieurs lignes de tram-train traversant le centre ville et sur lesquelles circulent souvent des compositions multiples avec du matériel relativement » lourd « , Karlsruhe est aujourd’hui le témoin d’un » retour de la gare en centre ville « . Paradoxalement, celle-ci avait été repoussée en bordure sud de la ville après la première guerre mondiale. Avec l’augmentation du trafic de tram-train, les autorités sont aujourd’hui confrontées à un nouveau problème de transport. Elles cherchent à le résoudre grâce à la création d’un tunnel dans l’artère principale du réseau, ce qui impliquerait également la fin des circulations de tramways classiques dans la zone piétonne. Malgré cela, les augmentations de fréquentation du réseau de TC de Karlsruhe ont confirmé l’intérêt de liaisons directes et continues avec les centres des villes de même ordre de grandeur dont la gare est située en bordure. Mais paradoxalement, ce succès a également rappelés l’intérêt des gares centrales.
Le train-tram a une approche inverse du tram-train, bien que visant le même but : il s’agit de faire entrer un train adapté en centre-ville sur des voies de type tramway. Le premier cas reconnu est celui de Zwickau] et l’eurégiobahn.
Aix-la-Chapelle :
Le projet original s’est transformé en un projet train-tram. La réalisation est en cours, avec le plus grand succès, et se fait par phases.
Le « tramway rapide » (ou « tramway express »), ou « train léger » vise les mêmes performances et les mêmes effets pour la clientèle que le tram-train, mais sans l’interconnexion entre réseaux de tramway et ferroviaire régional.
Le tramway rapide roule sur un réseau de tramway classique et/ou sur une ligne spécifique. Un exemple sera la liaison LESLYS vers l’aéroport de Lyon.
Le train léger est un matériel dérivé d’un tramway, circulant exclusivement sur des voies ferrées régionales dédiées ou non, mais sans interconnexion avec un réseau urbain, à l’instar de la future Tangentielle Nord en Île-de-France.
Caractéristiques techniques :
Le Talent famille tracté par la VT 643.2 est fabriqué par Bombardier dans la fabrique Talbot de Aachen.
Sa spécificité réside dans ses modes d’accès voyageurs et son adaptabilité au réseau ferré néerlandais.
Il est aussi adaptable pour devenir un tram en ville.Vocation : trafic régional
Longueur : 34,610 mm
Largeur : 2,925 mm
Places assises : 96
Places debout : 110
Poids machine : 57,5 T
Traction : diesel
Puissance moteur : 2* 315 KW
Norme émission de gaz : euro 2
3. Un exemple de cartographie
En 1999 : signature de l’accord global de coopération
En 2000 : signature entre les différents acteurs.
La Deutsche Bahn, la société néerlandaise NS et AVV (Aachener Verkehrs Verbund, société de transport en commun -bus- d’Aachen et du Kreis) cosignent afin de mettre les voies à disposition de l’Eurégiobahn.
Partenariat scellé entre AVV et Eurégiobahn pour rendre utilisables les voies de chemin de fer entre les villes et les communes (Kreis) et mise en œuvre des conditions pour permettre à l’Eurégiobahn de les relier entre elles et de desservir les arrêts choisis par la communauté des communes.
EVS Eurégio (constructeur du matériel roulant)
NRW : le land (Nord Rhein-Westfalie), région dotée des compétences régionale qui a financé tout sauf le train.
La coopération entre ces différents acteurs a été favorisée par la politique volontariste de promotion d’un trafic interne de courtes distances avec
– un réseau de transports en commun régional, attractif et de grande qualité
– avec des départs fréquents,
– une ponctualité fiable,
– de nouvelles liaisons directes,
– un charroi moderne,
– pour une population d’un million et cent mille
L’euregiobahn propose une alternative à la croissance de l’hégémonie de la voiture.
En 2001, l’euregiobahn relie les habitants de la région d’Aix-la-Chapelle à ceux du sud de la province de Limbourg hollandais (Heerlen, Landgraaf).
2004-2005
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2005-2006
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2008
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Finalisation
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4. Un vrai projet pour notre arrondissement
A l’heure où d’aucun s’érige en promoteur d’une grande métropole provinciale, il apparaît à Ecolo que le thème de la mobilité doit d’abord être l’occasion d’enfin mener un vrai projet rassemblant toutes les forces de l’arrondissement de Verviers, francophones et germanophones.
Ecolo souhaite donc la mise en place d’une plateforme où l’on puisse définir avec tous les Bourgmestres, mais aussi avec les secteurs de l’enseignement, des entreprises, du commerce et du tourisme, les besoins des citoyens de notre région en matière de mobilité. L’enjeu de cette étude est de proposer à chacun et chacune une alternative au trafic routier automobile par l’offre d’un réseau attractif de transports en commun régionaux, avec des départs fréquents, une ponctualité fiable, de nouvelles liaisons directes et un charroi moderne.
A partir de cette réflexion, et fort des expériences menées à nos portes (l’euregiobahn et de l’euregioAIXpress), des contacts devront être pris avec les TEC pour mailler plus finement le réseau et un travail sur le financement devra être mené. Là encore, il sera utile de se tourner vers nos voisins pour voir comment ils ont monté leur projet. Mais en tout état de cause, un partenariat devra être scellé entre la SNCB, les TEC, un constructeur de matériel roulant, la Région wallonne, le Fédéral et l’Europe. Afin d’élargir le rayon d’action de notre réseau de mobilité, contact devra également être pris avec l’euregiobahn.
In fine, un système de ticket unique en trois langues devrait être mis en place sur l’ensemble des trains et bus de l’arrondissement, voire bien au-delà.
Pour réussir un projet aussi ambitieux, bon pour les citoyens, bon pour la planète, bon pour l’économie de notre région et bon pour le portefeuille de chacun, il est temps de s’unir, en dépassant les clivages partisans et les limites géographiques.
Conclusion : mettons-nous en chemin !
Lors du dernier Bureau du Forum des Forces Vives, Monika Dethier-Neumann a été chargée de mettre en place une visite de l’euregiobahn pour connaître son matériel, ses cadences et comprendre plus finement le fonctionnement de ce système de mobilité intégrée.
Chacun le sait, Ecolo souhaite agir plutôt que de discourir. Il proposera donc très prochainement aux différents acteurs concernés par ce dossier de participer à cette rencontre sur le terrain d’une mobilité adaptée aux besoins des citoyens du XXIème siècle.